Interventions de Vannina Micheli Rechtman dans la presse
Interventions de Vannina Micheli Rechtman dans la presse
Article publié le 23 avril 2025 sur le site Doctissimo
Sihem Boultif journaliste santé en collaboration avec Vannina Micheli-Rechtman (Psychiatre spécialiste des TCA)
Assiettes colorées, routines alimentaires millimétrées, plats faits maison... La nouvelle tendance "What I eat in a day" a conquis les réseaux sociaux et notamment TikTok. Mais nous pousserait-elle également à l’orthorexie, cette obsession du manger sain ? Doctissimo a interrogé le Dr Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre, pour le savoir.
Sommaire
• Une tendance esthétique, qui séduit de plus en plus
• Se tourner vers des professionnels de la nutrition
La tendance "What I eat in a day", que l’on peut littéralement traduire par "Ce que je mange au cours d’une journée" a rapidement pris de l’ampleur, sur les réseaux sociaux. Des influenceurs partagent leur alimentation quotidienne, du petit-déjeuner au dîner.
Mais est-ce sans risque, pour celles et ceux qui les regardent ? Nous avons posé la question au Dr Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre, psychanalyste et philosophe, auteure de Les nouvelles beautés fatales - Les troubles des conduites alimentaires comme pathologies de l'image (Éditions Erès, 2022).
Une tendance esthétique, qui séduit de plus en plus
"Evidemment, tout tourne autour de la mise en scène de ces repas dans ce type de contenus" explique tout d’abord le Dr Vannina Micheli-Rechtman. "Mais derrière cette esthétique soignée et ces recettes healthy se cache en réalité un danger pour les plus jeunes, notamment" alerte-t-elle.
Boulimie : des symptômes à la prise en charge
En effet, lorsque l’on consulte régulièrement ce type de contenu, on peut en réalité détecter un message subliminal.
"Le danger est le message caché, qui dit en filigrane : mangez comme moi et vous me ressemblerez" détaille la psychiatre. "Ce qui peut pousser à l’orthorexie, cette obsession de manger équilibré, de manière ‘parfaite’ sans le moindre écart".
Ces vidéos véhiculeraient donc l’idéalisation d’une alimentation, néfaste en réalité pour celles et ceux qui y adhéreraient. "Elles nuisent car on sait qu’aucun corps n’est parfait, en particulier ceux montrés sur les réseaux sociaux, très souvent retouchés" rappelle notre experte.
Se tourner vers des professionnels de la nutrition
Vous l’avez compris : sous leur apparence innocente, ces vidéos peuvent inciter à copier des habitudes alimentaires dans le but de mincir ou d’atteindre un certain bien-être.
"Or, il faut rappeler que l’organisme, chez l’homme comme chez la femme, a besoin d’une certaine quantité d’énergie pour fonctionner (en moyenne 2000 kcal par jour) et que chaque corps est différent" ajouter le Dr Micheli-Rechtman.
De plus, les dégâts engendrés par ces contenus ne sont pas toujours visibles. Ils s’installent en silence, à coup de privations, de culpabilité et de comparaison permanente.
La solution ? Demander conseil à des experts en nutrition. "Si vous recherchez des conseils alimentaires, mieux vaut se tourner vers des experts en nutrition, capables de vous conseiller adéquatement, selon vos besoins". Avant de conclure avec justesse : "Les influenceurs, eux, ne sont pas qualifiés pour donner ce type de conseils".
Sources
Entretien avec le Dr Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre, le 23 avril 2025
Article publié le 7avril 2025 sur le site Doctissimo
Sihem Boultif journaliste santé en collaboration avec Vannina Micheli-Rechtman (Psychiatre spécialiste des TCA)
Le hashtag "Skinny Tok" est la nouvelle tendance effrayante des réseaux sociaux et de TikTok en particulier. Derrière ce mot-clé se cachent des corps filiformes et une apologie de la maigreur, à coups de messages culpabilisants et de régimes drastiques. Faisons le point sur ses dangers avec le Dr Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre.
Sommaire
Une nouvelle variante de cette tendance sévit sur TikTok
Des discours qui valorisent les comportements extrêmes
Une boucle causée par l’algorithme de TikTok
Que faire si son adolescent consulte ce type de contenu ?
Vous avez peut-être connu, au début des années 2000, la tendance pro-ana, pour pro-anorexie, qui se retrouvait sur certains forums. Ces sites regorgeaient de messages faisant l’apologie de la maigreur extrême et vantait le contrôle de ses adeptes, capables de passer la journée sans s’alimenter ou presque.
Une nouvelle variante de cette tendance sévit sur TikTok
Désormais, cette tendance mortifère se déroule sur TikTok. Derrière le hashtag SkinnyTok, une contraction des mots "skinny", c’est-à-dire mince en anglais et de TikTok, se cachent des vidéos prônant la maigreur extrême.
Des commentaires rabaissant sont également diffusés, tout comme des idées de régimes drastiques, passant parfois sous la barre dangereuse des 1200 calories par jour.
Des discours qui valorisent les comportements extrêmes
Sur le réseau, les vidéos sont souvent montées avec des musiques entraînantes, donnant un ton léger à des messages profondément toxiques. Mais les messages sont clairs : "Eat small to be small. Eat big to be big" ce qui veut dire "Mange peu si tu veux être mince. Mange beaucoup si tu veux être grosse" ou encore la célèbre phrase prononcée par Kate Moss en 2009 et qui avait fait scandale à l’époque : "Nothing tastes as good as skinny feels" comprenez "Rien n’a aussi bon goût que la sensation de maigreur".
Une boucle causée par l’algorithme de TikTok
Au-delà du caractère problématique de ces vidéos, un autre danger se profile : elles sont diffusées en boucle aux personnes qui les consultent.
"En raison de l’algorithme des réseaux sociaux, le simple fait de regarder ce type de contenu entraîne automatiquement la recommandation d’autres vidéos similaires", explique le Dr Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre, psychothérapeute, philosophe et auteure de Les nouvelles beautés fatales - Les troubles des conduites alimentaires comme pathologies de l'image (Éditions Erès, 2022).
"Les utilisateurs se retrouvent ainsi enfermés dans un cercle vicieux, alimenté par des standards corporels irréalistes", alerte-t-elle. "Un mécanisme qui renforce l’idéalisation de la maigreur extrême — un modèle particulièrement dangereux pour la santé à long terme."
Que faire si son adolescent consulte ce type de contenu ?
Comment réagir, si vous constatez que votre adolescent(e) consulte ce type de contenu ?
"Il est essentiel d’avoir un échange avec son enfant, si tel est le cas" recommande notre experte. "Certains profils d’enfants peuvent être davantage attirés par ce type de contenu. Il est important d’échanger avec lui, de le sensibiliser aux diktats de beauté actuels, de lui montrer que cela reste une tendance sociétale et qu’il n’y a pas si longtemps que cela, la minceur n’était pas prônée comme elle peut l’être aujourd’hui".
Selon la psychiatre, l’entourage de l’enfant (cercle amical ou éducatif notamment) peuvent aussi jouer un rôle. Mais que faire, si l’on constate que son enfant perd du poids ou refuse de s’alimenter correctement ? "Si la discussion ne fonctionne pas, il est important de prendre rendez-vous chez son médecin traitant, afin qu’il puisse voir l’adolescent" conseille le Dr Micheli-Rechtman.
"Dans l’idéal, il faudrait qu’il ou elle puisse avoir une consultation seul(e) avec le médecin, afin qu’une discussion franche sur le sujet s’engage, avec le professionnel de santé" conclut-elle.
Sources
Entretien avec le Dr Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre, le 7 avril 2025
LE CORPS RÉEL S’EFFACE TROP AU PROFIT DU VIRTUEL
Une interview de Vannina Micheli-Rechtman dans Psychologies magazine N°460 d'août 2024
Sur Franceinfo une interview de Vannina Micheli-Rechtman
Mâchoire carrée, yeux de chasseurs et "looksmaxxing" :
ces injonctions physiques masculinistes en vogue sur les réseaux sociaux.
Mâchoire carrée, yeux de chasseurs et "looksmaxxing"
Interview de Vannina Micheli-Rechtman
Article rédigé par Audrey Abraham
Le hashtag #looksmaxxing, qui prolifère sur TikTok et Instagram, multiplie les injonctions physiques à l'égard des jeunes hommes diffusant des idéaux particulièrement misogynes.
Les femmes ne sont pas les seules destinataires des tendances sur les réseaux sociaux. Un énième hashtag grandit ces dernières semaines : #looksmaxxing. Comprenez "maximiser son apparence". 177 000 publications sur TikTok, 40 000 sur Instagram. Des injonctions physiques à destination des jeunes hommes, les encourageant, par exemple, à rendre leur mâchoire plus carrée, symbole de virilité.
Parmi ces conseils, celui de garder la langue collée contre le palais, pour "modifier la structure de ton visage", assure un de ces influenceurs, croquis à l'appui. Ou encore mâcher du chewing-gum, mais pas n'importe lequel : "Achète plutôt du Mastic de chios, des chewing-gums plus durs". Dernier conseil, "descendre en dessous des 12% de masse grasse corporelle". "Si tu appliques ces trois choses pendant assez longtemps, conclu l'influenceur, tu seras beaucoup plus attirant."
"Jawline" et "mewing"
Autre atout pour parvenir à l'apparence ultime : "les yeux de chasseurs." Toujours sous le hashtag #looksmaxxing, un autre influenceur assure pouvoir vous aider à obtenir un regard plus défini en pratiquant "le mewing". Il s'agit là aussi de garder sa langue collée contre le palais, "tout en respirant par le nez", ajoute le jeune homme. Objectif : exercer une pression constante sur l'os maxillaire "ce qui favorise la croissance vers l'avant et vers le haut." Objectif : accentuer sa "jawline" (ligne de mâchoire), selon l'expression consacrée désormais ultra-populaire sur les réseaux sociaux.
Quelques vidéos en français, la grande majorité en anglais, dans lesquelles des jeunes hommes testent tout un tas d'accessoires pour favoriser la mastication, redresser sa posture, améliorer sa qualité de peau, soigner sa coupe de cheveux... Et cela peut aller jusqu'à la chirurgie esthétique : certains se font opérer pour obtenir la mâchoire idéale.
Derrière cette tendance, la multiplication des symboles virilistes et masculinistes. C'est ce que constate Vannina Micheli-Rechtman, psychiatre spécialiste des représentations contemporaines du corps : "C'est très éloquent sur la question des yeux de chasseurs : un idéal esthétique qui considérerait que pour séduire les femmes, il faut avoir des yeux de chasseur face aux femmes qui seraient des proies. On en revient à des choses tellement anciennes dans nos représentations du rapport homme femme, c'est terrible."
"Des représentations archaïques"
Cette évolution traduit un véritable fait de société. Dans son dernier rapport, le Haut Conseil à l'égalité signalait l'augmentation notable du sexisme chez les jeunes : "C'est très surprenant, c'est très dissonant par rapport à l'évolution de notre société. Comment est-ce possible que le sexisme augmente chez les jeunes dans des représentations archaïques ? On a l'impression d'être en 1950."
Des représentations insidieusement véhiculées sur les réseaux sociaux, ajoute la psychiatre. "Là, on constate qu'il y a des diktats maintenant qui pèsent sur le corps des hommes, alors que globalement les diktats étaient plus importants sur le corps des femmes. Il faut absolument être vigilant et éduquer sur ces questions. La place des images sur les réseaux sociaux influence considérablement ce type de phénomène", souligne l'autrice du livre Les Nouvelles beautés fatales - Les troubles des conduites alimentaires comme pathologies de l’image.
Au-delà de la régression de la société, ces tendances peuvent aussi avoir des conséquences sur la santé physique et mentale des usagers des réseaux sociaux. Des usagers parfois très jeunes qui sont en pleine construction. "La représentation de soi, la représentation de son corps, ça s'inscrit au fond depuis l'enfance. La manière dont l'entourage peut parler du corps de son enfant, c'est très important. Les discours autour du corps d'un sujet sont absolument fondamentaux. Être dans des injonctions où ça ne va jamais, ou pour plaire, il faut absolument se conformer à des diktats. C'est sûr que ça provoque une estime de soi qui devient défaillante et c'est dangereux."
"La tyrannie du visage Instagram"
La psychiatre reçoit de plus en plus de patients atteints de troubles de la santé mentale : "Je constate l'augmentation des troubles des conduites alimentaires, anorexie et boulimie, chez des jeunes hommes parce qu'il y a ce problème de la dysmorphophobie, c’est-à-dire de ne plus vraiment supporter son corps tel qu'il est. Il y a une espèce de tyrannie du visage Instagram qui est frappante."
Les risques pour la santé physique sont tout aussi inquiétants :"La maigreur, c'est très dangereux. En plus, chez les très jeunes, ça stoppe la croissance, ils ne grandissent plus. Les restrictions alimentaires sont dangereuses, ça, c'est une c'est une évidence. C'est absolument sidérant à quel point, ils sont capables de s'infliger des souffrances, des douleurs pour ressembler à soi-disant un idéal qui serait celui des réseaux sociaux."
Le paroxysme de ces aberrations étant évidemment les opérations de la mâchoire dont certains hommes vantent les mérites en vidéo : "Comment avoir l'idée de faire ces opérations de chirurgie esthétique tellement lourde ? C'est une opération à la fois très chère et très lourde. Ce sont des mois d'immobilisation. Il est absolument essentiel de mettre en garde les jeunes hommes et essayer de tenir un autre discours, à savoir qu'on a le corps que l'on a. Il est important d'habiter son corps, de se sentir bien dans son corps tel qu'il est." Malgré ces avertissements, la psychiatre assure observer une nette augmentation des opérations de chirurgie esthétique chez les hommes entre 18 et 35 ans.